La parole s'est libérée et c'est déjà une grande victoire. Dans un élan de solidarité internationale, un nombre incroyable de femmes ont apporté le témoignage de leur harcèlement, agression sexuelle voire même de leur viol. Bravo à toutes ces femmes qui ont fait preuve d'un très grand courage.
De ce mouvement libérateur est né de nombreuses initiatives de lutte contre les violences faites aux femmes. Actions politiques - avec notamment l'annonce des nouvelles mesures d'Emmanuel Macron - mais aussi citoyennes et associatives. Un premier tabou a été brisé et il est désormais devenu audible par tou.te.s.
Mais ce mouvement nous concerne-t-il tou.te.s ? Qu'en est-il des hommes victimes de violence sexuelle ?
Il n'est pas réellement question ici des hommes victimes de violences faites par les femmes car les chiffres restent marginaux : sur une année, 6 femmes sont condamnées pour viol sur des personnes de plus de 15 ans (victimes femmes et hommes) contre 765 hommes. Soit moins de 1% des condamnations ! (1)
Par contre, ce sont près de 14 000 hommes, de 18 à 75 ans, qui sont victimes de viol ou d'une tentative (1). Et ce n'est pas rien. La parole ne s'est malheureusement pas encore libérée pour ces hommes, comme si notre société n'était pas encore prête à entendre ce tabou ultime.
Les violences sexuelles ne sont donc pas uniquement perpétrées par des hommes sur des femmes mais elles le sont aussi sur des hommes. Et in fine, le véritable sujet est-il réellement du traitement de la violence sexuelle sur les femmes ou de la violence sexuelle tout court ? Et si on avait le courage de se regarder en face et de voir que le problème de la violence sexuelle est principalement d'origine masculine?
Les hommes qui harcèlent, agressent et violent. Voilà le vrai sujet à traiter.
Nous ne pouvons pas nous borner à ne traiter ce problème que sous l'unique prisme des femmes victimes. C'est à la fois une discrimination sexuelle et une manière de se conforter dans un profond déni social. Et c'est le meilleur moyen pour ne rien solutionner du tout. Car tant que nous ne verrons pas la véritable cause de notre problème, nous ne pourrons le résoudre.
Et il y a tout une sémantique très significative derrière tout cela. Il y a une différence fondamentale entre dire "lutter contre les violences faites aux femmes" et "lutter contre la violence masculine". On passe du protagoniste de la victime - et une fois de plus uniquement féminine - à celui de l'agresseur masculin. On se penche alors non plus sur la femme victime mais sur l'agresseur masculin, sa responsabilité dans l'acte de violence, les raisons qui l'ont poussé à agresser et devenir un prédateur.
Ce n'est qu'à ce moment précis que l'on pourra s'emparer du véritable problème de fond, on pourra alors sortir de la culture du viol et du débat sur la manière dont nous les femmes nous nous habillons, à quelle heure nous sortons le soir, accompagnées ou non, etc. Il s'agira alors de remettre la responsabilité sur le prédateur et non sur la victime et le prisme par lequel nous observons tout cela est d'une importance capitale. Le débat n'est pas de savoir ce que font les femmes ou pas lors de leur agression mais uniquement : pourquoi cet homme a-t-il agressé sexuellement cette femme ? Pourquoi et comment un homme de 30 ans peut-il avoir envie d'avoir une relation sexuelle avec un.e mineur.e de moins de 15 ans ? Pourquoi l'a-t-il manipulé.e ? Est-il sain d'esprit ? C'est ça, le véritable débat.
Et ce n'est qu'à ce moment que l'on pourra réellement débattre des fondements de cette violence sexuelle pour mieux l'apprivoiser dans l'espoir de prévenir mais aussi de guérir tou.te.s ensemble, victimes et agresseurs.
(1) source : http://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/IMG/pdf/hce_avis_viol_2016_10_05-2.pdf